Le métier de tapissier

 
 

La redécouverte d’une maquette du wagon impérial dessiné par Paullet & Trétel avec la collaboration du tapissier Ternisien en mars 1868 nous a incités à évoquer le métier de tapissier : ses origines, son évolution. La richesse des documents trouvés dans les archives Braquenié concernant Ternisien, fameux tapissier du 19e siècle, permet d’illustrer parfaitement les spécificités de ce métier.

 
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Le début du XIe siècle

Les premières mentions de tapissiers remontent au début du XIe siècle.
Six communautés se partagent cette activité :

  • Les tapissiers-hautelissiers, marchands et fabricants de tapisseries de haute et basse lisses,

  • Les tapissiers Sarrazinois, fabricants de tapis à la façon du Levant,

  • Les tapissiers Nostrez, fabricants et marchands de sièges, tiretaines,
    couvertures de soie, de coton, laine et façons de Marseille,

  • Les tapissiers Courtepointiers, marchands de toutes sortes de meubleset tapisseries, fabricants de meubles de garnitures, comme les lits éperviers, pavillons, sièges, tentes et autres équipages de guerre en toutes sortes d’étoffes,

  • Les Courtepointiers, faiseurs de tentes, pavillons et autres meubles
    de coutils et de toiles sans teintures seulement

  • Les Coustiers, fabricant de coutil.

 
 

Le règne d’Henri IV

Peu à peu, les grandes ressemblances des arts pratiqués, les fréquents différents entre ces communautés menèrent à leur regroupement en une seule corporation dont les statuts furent approuvés le 25 juin 1636.

Le métier prend son essor sous le règne d’Henri IV. Le tapissier fournissait les éléments les plus remarquables de l’ameublement « remplaçable ». Son aide est précieuse par le propriétaire qui souhaite transformer l’aspect d’une pièce sans toucher à l’architecture plus ancienne. Au cours du dernier quart du XVIIe siècle, l’art du rembourrage évolue très rapidement, les rideaux de fenêtres prennent soudain de l’importance en tant qu’éléments décoratifs. A l’exception du ressort inventé vers 1840, toutes les techniques utilisées jusqu’en 1920, furent conçues avant 1700.
Vers 1770, la France atteint un très haut niveau technique allié à un grand sens artistique. Dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, publiée en 1765, le tapissier est défini comme un marchand qui vend, qui fait ou qui tend des tapisseries et des meubles.

L’art des tapissiers décorateurs est en constante évolution, soumis au caprice de la mode, aux exigences du luxe et surtout à l’habitude du bien être qui s’est répandu dans la société dès la fin du XVIIIe siècle. Vers 1790, les festons de draperies s’invitent partout, sous l’Empire, des pièces entières sont agrémentées de mousseline. Vers 1840, le capiton, réservé jusqu’alors aux matelas, gagne une partie du mobilier. Les ressorts permettent des effets bombés très semblables à celui des robes.
Sous le Second Empire, La profession atteint son apogée grâce à plusieurs facteurs concordants : une maîtrise technique parfaite, un goût affirmé pour les meubles meublants (sièges, rideaux, etc..). Le tapissier décorateur, au même titre que l’architecte participe à l’élaboration de la maison. Le métier compte de nombreux membres dont la notoriété de certains a traversé les siècles. C’est le cas de Mr. Ternisien. Certaines de ses réalisations sont conservées dans les collections publiques : Château de chantilly, musée du Louvre.
La maison Braquenié, créée en 1824, reconnue à maintes reprises lors des expositions des produits de l’industrie, attire le tout-Paris. Ternisien, fameux tapissier-décorateur, se fournit bien évidemment chez Braquenié. Nous avons comptabilisé plus de 260 commandes entre 1850 et 1883.

 
 

Félix Alfred Ternisien

Félix Alfred Ternisien est né à Paris le 28 juin 1817. Il est probablement le fils du tapissier qui travaillait pour le garde-meuble de la couronne sous la Restauration. Il est cité comme ébéniste dans les almanachs du commerce mais il est aussi tapissier sous le Second Empire.
Associé à Mr. Fraysse, leur atelier est situé au 16, rue Sainte-Anne. En 1866, ils déménagent au 334, rue Saint-Honoré. Au mois d’août 1868, les registres laissent apparaître un changement d’associé : Mr. Fraysse est remplacé par Mr. Monchaussée.

Les commandes portent autant sur des moquettes, sur des tapisseries que sur des tissus: reps, popeline, damas, perse, velouté (terme employé pour une qualité de moquette), velours, etc…. On dénombre par exemple pas moins de 25 reps différents : reps Byzantin, reps Croix de malte, reps Pompadour, reps Monté Christo, etc…Vous retrouvez tous ces termes expliqués dans le lexique de notre site internet (www.pierrefrey.com). Par chance, certaines commandes assez détaillées permettent l’identification de produits et par là même d’avoir une idée du goût des clients de Ternisien en matière de décoration intérieure. En voici une sélection.

 
 

Le wagon impérial

La plus prestigieuse commande concerne la décoration du wagon impérial en mars 1868. Sous le Second Empire, les compagnies s’honoraient de mettre un train à disposition de l’Empereur et de sa famille. Seules, les compagnies du Nord et de Paris-Orléans réalisèrent de tels trains. Au musée du chemin de fer à Mulhouse, est conservée une voiture dite de l’Impératrice construite en 1856. Nous conservons le projet global du wagon réalisé en 1868. Les différents tapis, tapisseries et tissus ont été réglés à Braquenié. On peut donc penser que cette voiture a été réalisée bien qu’aujourd’hui nous n’en ayons pas encore retrouvé la trace.
Ternisien s’inscrit dans la lignée des grands tapissiers–décorateurs. L’histoire de cette profession n’est pas close, aujourd’hui encore, des hommes exercent avec talent cette activité. Draper un rideau, recouvrir des canapés et sièges aux formes variées avec élégance est un art que les tapissiers maîtrisent parfaitement. Pour cela, ils ont besoin d’étoffes se prêtant à tous leurs desiderata. Depuis 1824 et 1935, Braquenié et Pierre Frey s’évertuent à créer ces textiles. Nos tissus ne révèlent leur beauté qu’une fois transformés par des mains expertes. La rencontre entre l’éditeur et le tapissier crée un univers de vie qui est fondé sur la qualité, le savoir-faire et l’excellence. Quelles que soient les matières, les couleurs travaillées, le but est de tirer le meilleur parti des tissus. Gageons que cette collaboration perdure encore et encore dans le futur…